La mythologie racontait beaucoup de chose, mais il fallait faire attention avec les légendes. Car n'importe qui pouvait les raconter et les écrire, quitte à 'oublier' certains détails, à en ajouter d'autres pour accentuer les évènements. Après tout, on préférait briller en racontant des exploits, là où les ennemis pouvaient murmurer les défaites ou humiliations, possiblement vraies ou fausses. Et puis, tout était une question de point de vue.


Les géants des glaces, dirigés par leur roi Laufey, avaient envahie une petite partie de Midgard dans le but de l'annexer à Jötunheim. Voyez-vous, le royaume des géants bleutés était plutôt pauvre, le peuple vivait avec peu de nourriture et de moyen. C'était sûrement à cause d'Odin, le père-de-tout, qui dans sa quête de mettre Yggdrasil sous son règne s'était retrouvé contre un peuple qui ne voulait pas se soumettre. Et ainsi, tel le sort de Svartalfheim, domaine des elfes noirs, la terre gelé fut isolé du reste des royaumes. Personne n'y était contre, après tout, les Jötnar, dans l'imaginaire collectif, n'était qu'un peuple barbare, cruel et monstrueux. Ce n'était, en réalité, qu'un peuple comme un autre, ayant sa propre culture nomade et primaire. Ils n'avaient pas besoin de vêtements, autres qu'un simple pagne. Ils n'avaient pas non plus besoin de maison individuels puisqu'ils vivaient tous au même endroit car ils avaient l'esprit de ruche. Nuls livres ou écriture, tout se transmettait à l'oral. Mais il fallait croire que les erreurs des dieux n'étaient, en soit, pas si différentes que celles des humains quand il s'agissait de la différence entre deux peuples.

Les Jötnar avaient un artefact pour les aider dans leur quête. Il s'agissait de l'écrin d'hiver qui permettait de terraformer tout monde pour que l'atmosphère soit d'une température assez froide et permettre aux géants d'y vivre. Odin était contre cette invasion et s'était proclamé protecteur de Midgard, dont le peuple humain était ignare des autres royaumes. Il avait donc envoyé son armée, tantôt sur Midgard, tantôt sur les terres gelés de Jötunheim. Lui-même avait finit par faire le voyage jusqu'au royaume des géants, cherchant l'artefact puissant. Il s'était affronté contre les géants, notamment contre Laufey, perdant ainsi un œil dans la bataille. Odin avait pu récupérer l'écrin, avant de pénétrer un temple sacré. Et il l'avait trouvé.


Très petit pour un géant, un nain de son espèce dont les marques tribales sur son front indiquaient sa filiation direct avec le roi Laufey. C'était son descendant. Odin voyait en cet enfant un moyen de réunir les royaumes. S'il élevait ce prince, il pourrait alors le mettre sur le trône de Jötunheim. Son sang royale ferait plier les géants sous ses ordres. Et son lien avec l'enfant permettrait une entente. Ce n'était pas un kidnapping. Non, voyons. Odin ne faisait que sauver cet enfant voué à la mort, parce qu'il était trop petit, son père l'avait laisser ici à mourir.

Ceci, n'était qu'une supposition. Une supposition d'un dieu arrogant qui ne connaissait absolument rien à la culture Jötun. Qui abandonnerait un bébé à la mort dans un temple ? Mieux encore, quel endroit, en tant de guerre, un être ayant sa propre croyance divine pourrait penser comme le plus sécuritaire pour un bébé qui venait à peine de naître ? Un temple serait la solution. L'enfant n'était pas un paria comme pouvait le penser, hâtivement, Odin. L'enfant était sacré. Il était destiner à une vie religieuse et magique, à guider et conseiller le peuple, à les protéger. Il était, tout simplement, ce que l'on pouvait nommer "vierge des glaces" puisque sa petite taille rendait impossible la reproduction avec l'un de son espèce.

Odin avait jeté un sort au bébé pour le faire passer pour un ase, pour son fils. La seule personne qui avait été mise au courant avait été Frigga, sa femme. Bon, il y avait aussi Heimdall puisque le gardien du bifrost voyait tout. Le peuple Ase avait accueillis le jeune prince, Loki, avec joie. Mais pas plus que Thor qui se voyait déjà endosser le rôle de grand frère, malgré quelques années seulement de différences.


Là où Thor voulait joué à la bagarre, Loki préférait les livres. Là où Thor se voyait avoir des tonnes d'amis, Loki était introverti et pouvait se contenter de seulement avoir Thor en ami. Quand Thor rêvait de devenir un guerrier, Loki rêvait de magie. Thor était sûr d'être un garçon, là où Loki ne savait pas trop dans quelle case aller. Ils étaient différents. Mais Loki était différent, aussi, des autres Ases. Et il sentait cette différence le ronger de l'intérieur.

Loki essayait, vraiment, il essayait de faire des efforts. Mais il n'y arrivait pas. Il ne pouvait pas manger autant que son frère. Il n'était pas aussi fort que lui, aussi extraverti. Aussi Thor. Enfant, Loki voulait ressembler à son frère. Car, dans sa tête, il se disait que s'il était comme Thor, leur père aurait sûrement la même attention à son égard. Mais Odin les traitait différemment. Il s'occupait plus de Thor que de Loki. Peut-être parce qu'il ne savait pas comme s'y prendre avec lui ? Après tout, il était si différent. Il n'avait pas les mêmes goûts que Thor. Thor était simple, là où Loki était compliqué. Alors, il était passé de devenir Thor à faire des conneries. Un autre moyen d'avoir l'attention. Même si pour le coup, il se faisait tout le temps disputer.

Frigga avait bien vu le problème et elle avait tenté de combler le vide en lui faisant découvrir la magie. Loki s'était vite montré capable de faire de telles prouesses. Mais, il se retrouvait charriés par les autres. En Asgard, la magie était un truc de femme et de lâche. Alors, Loki avait dû apprendre aussi le combat. Et ce fut assez compliqué et catastrophique. Les épées étaient trop lourdes et handicapantes pour lui qui aimait se faufiler ainsi que se déplacer rapidement. Plus d'une fois, il avait triché en faisant usage de la magie - ou des mots - pour gagner un combat d'entrainement. Et il se retrouvait avec des punitions quand cela se savait. Par la suite, les dagues étaient vite devenues sa marque de fabrique.


La différence creusait un fossé. Loki se retrouvait tout seul dans son coin, se réfugiait derrière un épais grimoire de magie, à l'ombre d'un arbre. Et quand l'ennuie de tourner les pages lui prenait, il partait en quête d'une victime de ses tours. Le plus souvent, il s'agissait d'un individu parlant dans son dos ou le rabaissant. Il avait beau être un prince, Loki n'était pas protéger des brimades. Parce que de toute façon, à cause de sa manie du mensonge, personne ne le croyait.

Une fois son âge adulte atteint, Loki devait faire, de temps en temps, ce qu'il appelait "besogne dégoutante pour paraître normal". Il ensorcelait un soldat, mettait l'illusion qu'il s'agissait de lui et l'envoyait coucher avec une femme. Malheureusement, il devait être présent pour que l'illusion puisse rester, alors il se rendait invisible dans un coin avec l'envie de vomir ses tripes. Mais il le faisait parce qu'il avait compris qu'un homme se devait d'avoir des conquêtes féminines. Sauf que lui, il trouvait cela absurde et inutile. Cela ne l'intéressait pas, mentalement comme physiquement. Quand il voyait le corps d'une femme ou celui d'un homme, il se faisait très critique et relevait tous les points négatifs ou positifs, selon lui. Néanmoins, dans le secret de sa chambre, il rêvait d'amour, peu importe avec qui. Il voulait être aimer - et non désiré - et aimer en retour, de façon inconditionnelle. Seulement, étant un manipulateur, il ne pouvait pas s'empêcher de se foutre lui même des claques. Les seules personnes qui pourraient "l'aimer" seraient celles qui voudraient obtenir un titre royal, s'approcher de Thor, avoir beaucoup d'or... En bref, Loki trouvaient des excuses pour éviter de chercher lui-même quelqu'un à aimer parce qu'il ne se trouvait pas assez bon pour obtenir une telle attention. Alors, Loki garderait cette pureté en faisant semblant d'être un expert en la matière. Les gens étaient si crédules !


Inutile de passer en revue les bonnes et malicieuses actions qu'il avait pu faire. Le seul point qui ne changeait jamais était qu'il restait dans l'ombre de son frère. Les choses qu'on remarquaient à son égard n'étaient que ses tours et l'humiliation qu'il pouvait donner aux autres. Gare à celui qui trompait sa femme, Loki pouvait le prendre au piège et l'humilier devant les autres ! Gare à ceux qui voulaient lui causer du tort, car sa langue d'argent pouvait les rendre maudit à vie. On priait Loki pour obtenir de bases vengeances et on l'envoyait chez les ennemis. Mais au grand jamais, on voulait l'inviter chez soi.

Le dieu de la malice, malgré son penchant manifeste pour la magie, était devenu haut gradé dans l'armée. Là où Thor partaient en aventures avec ses amis, Loki dirigeait les soldats avec des tactiques fourbes. Le prince devenait plus présent auprès d'Odin pour parler combat ou même pour devenir son conseiller, même si ce n'était que le travail. Mais dès que Thor revenait, Loki retournait dans l'ombre. Quand Loki remportait une victoire, il avait le droit à une main sur l'épaule de son père, puis on passait à autre chose. Il aurait pu, sincèrement, s'en contenter. Mais quand Thor remportait une victoire, on lui faisait un banquet et on contait ses louages de part les royaumes. C'était injuste. Et ce n'était pas comme s'il pouvait picoler avec ses soldats. Parce que bon, il ne tenait pas l'alcool très longtemps. Et il ne voulait pas se retrouver à chanter devant ses soldats. La honte. Il se devait de garder un certain prestige.


Dans quelques années, son frère arrogant allait se retrouver sur le trône d'Asgard et Loki deviendrait son conseiller à lui-aussi. Cela lui convenait. Certes, il allait rester dans son ombre. Mais d'un autre côté, il pourrait le manipuler pour l'empêcher de faire des conneries plus grosse que lui. Mais son frère n'était pas prêt pour le trône, il le voyait bien à sa façon d'agir. Loki l'avait bien dit à Odin, mais celui-ci ne voulait pas l'écouter. Alors, le dieu fourbe voulait mettre à l'épreuve son frère pour montrer, avec toute la délicatesse dont il pouvait faire preuve, que Thor n'était pas assez mature pour être roi. Et rien de mieux que de le mettre dans une situation extrême. Cela serait un tour plutôt simple, non ? Il avait le temps pour réfléchir à ce qu'il pourrait faire.


Loki faisait les cent pas dans ses appartements, classants les idées et éliminant certaines qui risquaient de faire comprendre que c'était lui derrière tout ça. Le but était de donner une leçon à Thor - s'il était humilier c'était du bonus -, obtenir une phrase d'Odin pour lui dire qu'il avait raison et éviter de se faire punir en étant démasqué. Il était en train de se dire qu'il pourrait tout mettre sur le dos des méchants par excellence : les jötnar. Et il s'était retrouvé ailleurs.

Quel mage avait eu l'idée de le transporter ainsi ? Sa sentence allait être terrible ! Il était à quatre pattes, les yeux fermés et l'envie de vomir. Le dieu s'était relevé, essayant de paraître complètement maître de la situation. Il avait ouvert les yeux, prêt à fustiger le responsable. Mais, il n'y avait rien qu'un grenier peu entretenu. Loki avait alors aperçu la couleur de ses mains. Bleu. Sa peau était bleu.


Le prince avait paniqué en voyant qu'il ressemblait à un Jötun. Il avait tenté de retirer ce sortilège abjecte. Mais rien n'y faisait. Même s'écorché la peau avec un morceau de verre qui trainait par là n'y avait pas changé. Prostrer dans un coin, en larmes et dans une détresse manifeste, son cerveau avait tourné en plein régime, lui soufflant la plus cruelle des vérités. Se boucher les oreilles ne servaient à rien. Car il était un monstre et il l'avait toujours été.


Comme pour essayer de le réconforter, sa magie s'était activé pour lui donner une autre forme. Celle d'un adolescent bien différent de ce qu'il était à cette époque. Une aide pour le bercer dans l'illusion. Mais Loki était brisé par ce terrible mensonge qu'on lui avait dit dès tout petit. Il n'était pas Prince d'Asgard. Thor n'était pas son frère. Odin n'était pas son père. Et le plus cruel était que Frigga n'était pas sa mère. Il ne savait pas qui il était à part ce monstre bleu des contes pour enfants.

Loki n'avait même pas essayer de passer le portail qui l'avait conduit ici. Asgard. Ce n'était pas chez lui là-bas. Il n'avait plus rien. Il n'était plus rien. Complètement perdu dans ce cauchemar bien réel. Loki ne pouvait que se conforter d'une chose : être différent des autres n'était pas qu'une simple impression. Qu'allait-il faire maintenant ? Sûrement errer sans grand but, l'esprit dépressif. Surtout que maintenant il savait. Personne n'allait l'aimer, encore moins qu'avant.

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